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Pâturages et camouflage

A ma nièce Anne-Laure

 

Il était une fois un troupeau de moutons qui vivait dans la montagne. C’étaient de gentils animaux à la laine douce qui aimaient passer leur journée à brouter l’herbe délicieuse et aromatique des sommets et à faire une petite sieste de temps à autre histoire de bien digérer.

Une vieille bergère qui vivait dans un vieux refuge de l’alpage leur tenait compagnie avec son éternel tricot entre les mains : les moutons qui l’aimaient bien lui donnaient leur laine l’été lorsqu’ils n’en avaient plus besoin avec la chaleur et la vieille dame la lavait, la teignait et en faisait de magnifiques pulls, chaussettes, bonnets ou layettes pour ses enfants et petits-enfants qui étaient restés dans la vallée.


Avec les moutons et la bergère, il y avait aussi le chien de berger Communpot, que les agneaux avaient surnommé ainsi car il était complètement sourd. Mais c’était une bien brave bête et il était d’une grande patience avec les jeunes.

Leur jeu préféré était le saute-chien, c’est-à-dire qu’ils sautaient par-dessus le chien les uns après les autres quand celui-ci s’assoupissait. Celui qui passait trop près du vieux chien et l’éveillait faisant que celui-ci retrousse ses babines avait perdu. Le jeu s’interrompait alors un instant. Communpot poussait un grand soupir, reposait sa tête sur ses pattes de devant et se rendormait…

Et les agneaux ne tardaient pas à reprendre leur jeu !



Tout ce petit monde vivait parfaitement heureux jusqu’au jour où arriva dans la région un vieux et très méchant loup.

Ce loup était vraiment très âgé et on racontait qu’il était presque aveugle et n’avait plus d’odorat.

Mais les moutons sont des proies visibles dans la montagne même pour un loup à la vue basse.

Pensez-vous ! Des taches blanches sur le fond vert du pâturage.

Et le vieux loup était rusé : il se cachait derrière un gros rocher, attirait les jeunes agneaux qui étaient un peu à l’écart du troupeau par mille stratagèmes et quand ils étaient à sa portée… Il leur sautait dessus et les dévorait !!



Bientôt, la terreur régna dans toute la montagne. Les moutons voyaient leur nombre diminuer. Les brebis avaient beau mettre leurs petits en garde, il était difficile de les surveiller à chaque minute. La jeunesse est tellement curieuse !

Et ça, le vieux loup le savait bien !

Il leur était par exemple difficile de résister à un buisson aux feuilles tendres qui s’agitait dans le vent… Du moins, le croyaient-ils jusqu’à ce qu’ils réalisent - trop tard ! - que c’était le vieux loup et non le vent qui agitait la branche…


La vieille bergère et Communpot étaient incapables de protéger le troupeau : la vieille dame n’avait pas assez de forces pour cela et le chien, malgré toute sa bonne volonté et sa vigilance, n’entendait pas le vieux loup, ni les appels des moutons en détresse.

Étoile, une brebis que l’on nommait ainsi à cause d’une drôle de tache qu’elle avait sur le front, comprit que les moutons devraient se battre seuls contre le loup et le faire vite avant qu’il ne les ait tous avalés.



Elle rassembla tout le troupeau en conseil extraordinaire afin qu’ils trouvent une solution tous ensemble. Mais à part bêler pitoyablement leur désarroi, ses compagnons semblaient n’avoir aucun sens de l’initiative et encore moins une idée pour combattre leur ennemi.

Étoile devait bien admettre qu’elle non plus…



Découragée, elle errait lamentablement dans le pâturage avec les autres, mâchant une touffe d’herbe de temps en temps pour se changer l’esprit lorsqu’elle entendit un petit cri à ses pieds :

- Eh oh ! Ça va pas ! protestait une chenille verte. Regarde un peu ce que tu broutes. Tu m’aurais avalée si je n’avais pas sauté en catastrophe du brin d’herbe que tu es en train de manger. Fais un peu attention !

Étoile s’arrêta de mâcher et regarda la petite bête, consternée.

- Oh ! Excuse-moi, je ne t’avais pas vue.


Et pendant que la chenille s’en allait rampant et grommelant, Étoile sentit une idée germer dans son petit cerveau de brebis maligne…


Elle s’en alla trouver la vieille bergère en trottinant et lui exposa son plan.

La vieille dame admirative hochait la tête en écoutant Étoile et dès que la brebis eut cessé de parler, elle se mit au travail.

Tous les moutons se dépouillèrent de leur laine et la lui donnèrent.

La vieille bergère passa alors des journées entières à laver la laine, la teindre et à la tricoter pour obtenir…

...un pull-over vert pour chaque mouton du troupeau.


Chaque animal revêtit son pull-over du même vert que le pâturage et se confondit ainsi avec le paysage.

Ils devinrent complètement invisibles aux yeux du loup à la vue basse et l’horrible bête erra des jours dans la montagne, la parcourant en tous sens à la recherche d’une proie : elle entendait le bêlement des moutons mais elle ne les voyait pas : comme s’ils s’étaient transformés en fantômes.

Le loup pensant devenir fou, s’enfuit loin de la montagne. On ne le revit jamais et les moutons purent de nouveau brouter en paix.